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Dans la lumière de l’Esprit Saint : réfléchir, décider et agir

30 avril 2020
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Dans la lumière de l’Esprit Saint : réfléchir, décider et agir

La déflagration qui touche nos sociétés à l’échelle mondiale par la pandémie du Covid 19 nous a sidérés. Cet inattendu a provoqué un coup d’arrêt brutal de nos activités habituelles. Nos modes de vie et les relations entre nous ont été modifiés de manière impérative depuis le 18 mars. Il y a plus d’un mois. Ce virus a occasionné bien des souffrances dont une immense cohorte de chercheurs et de soignants cherchent à nous délivrer.

Chrétiens, nous ne pouvons pas nous contenter de les applaudir tous les soirs à 20h et demeurer spectateurs de leurs vies risquées et offertes. Il nous revient de prendre notre part pour comprendre ce que l’Esprit dit aux Eglises dans ces événements en forme d’Apocalypse. De nombreuses analyses économiques, politiques et sociales circulent et sont propices à la réflexion. Mais je ne suis ni médecin, ni économiste, ni en responsabilité politique. Ce n’est donc pas sur ce terrain que j’aimerais offrir quelques repères. En revanche l’héritage de la foi chrétienne, un lien nécessaire avec la Parole de Dieu et la Tradition récente de l’Eglise dans Laudato Si’, mérite d’être revisité.

Voici ma contribution. Je vous invite à la faire circuler. Ce ne sont pas là les derniers mots. Un groupe d’échange entre nous tous pourrait être fertile pour donner plus de précisions et plus d’ampleur à ce que j’ai tenté de saisir. Les contributions des penseurs chrétiens, évêques, théologiens prêtres ou laïcs seront les bienvenues pour féconder l’intelligence collective de l’Eglise sur ce que nous vivons. L’aspiration au retour des célébrations eucharistiques pour les fidèles suppose de clarifier le lien – qui est un lien fondateur- avec la présence de l’Esprit Saint au coeur des événements, preuve de l’historicité de la foi chrétienne. Profitons de l’abstinence sacramentelle de ce moment pour porter un regard de conversion sur nos modes de vie fraternelle et matérielle. La vérité de toute pratique sacramentelle ne peut être vécue intramuros dans nos églises. Elle est habitée d’une exigence d’ouverture à l’attente des hommes et des femmes en inquiétude pour leur santé et pour leur travail. Prenons acte avec Maxime le Confesseur que notre liturgie est une liturgie cosmique ancrée dans une écologie de fondation. Relisons la méditation de Teilhard de Chardin dans la Messe sur le monde qui transpire de cette vérité. C’est à cette profondeur que les chrétiens par leurs comportements contribueront à renouveler leur participation à l’eucharistie autant qu’à féconder de nouveaux modes de vie dans leur peuple respectif ! Toutes nos contributions viseront à ce qu’une parole d’Eglise soit élaborée et entendue dans le présent historique du monde.

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Lumières de l’Ecriture Sainte

Selon les traditions, au lendemain de la résurrection, les disciples se sont trouvés eux aussi confinés au cénacle, pendant 50 jours. Que firent-ils ? Sans doute ont-ils profité de ce temps pour tenter de comprendre les terribles événements de la passion, de la mort de Jésus et leur fuite mutuelle. Mais ce qui revenait le plus à leur mémoire était ce qu’ils avaient vécu au long des jours heureux avec Jésus les années précédentes. Chacun y allait alors de son : « je me souviens, Jésus a dit… », « je me rappelle quand il a guéri l’aveugle né… » et c’est ainsi que la mémoire des uns devenait la mémoire des autres et finalement la mémoire commune. Ils étaient, sans peut-être en avoir une conscience claire, en état de veille et d’obéissance, dans l’attente d’accueillir celui qui leur expliquerait toute chose. L’Esprit Saint au jour de la Pentecôte provoquera leur déconfinement.

Il y a dans ce que nous vivons une occasion semblable pour que l’Esprit Saint nous éclaire sur ce que nous vivions jusqu’ici et sur ce qu’il nous appellerait à vivre demain. Sa lumière pour réfléchir et décider, pourrait aujourd’hui nous sortir du sommeil (Rom 13,11) dans lequel les rêves d’une toute puissance sur l’univers nous entretenaient de manière bien illusoire.

 

Aujourd’hui que nous faut-il donc faire ?

Voici deux grilles de réflexion pour prendre la parole et agir :

La première m’est inspirée par une lecture de l’Evangile de Luc au chapitre 3. Elle permet de saisir différents repères pour agir et distinguer ce qui est de l’ordre de l’urgence et ce qui est de l’ordre institutionnel dans l’existence de chacun d’entre nous.

La seconde prend en compte notre condition humaine dans la situation présente sans laquelle nous ne pouvons pas vivre notre foi chrétienne (Gal 2, 20). Cette grille est élaborée à la lumière de trois expressions qui courent au long de l’encyclique Laudato Si’ du Pape François : Tout est lié, tout est donné, tout est fragile. Elle permet de distinguer ce qui est de l’ordre du superflu et ce qui est de l’ordre de l’essentiel.

                - Que nous faut-il donc faire ? (Luc 3)

Cette question est posée par ceux qui viennent à la rencontre de Jean Baptiste en Luc 3. Les réponses du prophète ouvrent deux directions.

L’une met en lumière l’urgence : Si tu vois quelqu’un qui a faim, si tu vois quelqu’un qui est nu… partage ton pain, …donne lui ta deuxième tunique. Nous sommes ici dans l’ordre de la redistribution des richesses de chacun, selon sa situation. Le conditionnel « si tu as.. », en appelle à une évaluation et au rapport que la conscience de chacun entretient en vérité avec sa situation. Elle introduit le choix d’un renoncement à posséder un bien propre et légitime, à la vue de la situation d’une autre personne dans le besoin. Elle invite au partage.

Le préalable à tout renoncement de cet ordre suppose d’observer et de connaître la situation des autres. Un tel renoncement ne sera donc pas mortifère puisqu’il conduit à donner un plus de vie à l’un de nos semblables. Il nous revient en ce temps de confinement de porter à notre connaissance autant que faire se peut, la situation de celles et ceux qui nous entourent. De nombreux moyens sont à notre disposition (internet, presse écrite, livres, conversations…), pour observer et entendre les appels souvent silencieux de ceux qui souffrent. Cherchons dès maintenant quels chemins inventer pour aider les plus fragiles lors de la récession économique annoncée.

La seconde direction est de nature institutionnelle : Si tu es collecteur d’impôts, si tu es militaire… tu dois rendre des comptes du pouvoir qui t’a été confié. Il ne t’appartient pas. Il est au service des autres et du bien commun. Il n’est pas destiné à ton usage personnel. N’allons pas croire que nous ne sommes pas concernés. Personne n’est soustrait par un biais ou par un autre à ce pouvoir institutionnel qui lui a été confié. Un père, une mère de famille, un instituteur, un médecin, un élu… tout type de responsabilité dans une association, un club, une communauté religieuse, dans tel service privé ou public… Que nous ayons été choisis, ou que nous nous soyons proposés, en tous les cas, il revient à chacun d’évaluer ce pouvoir, de développer ses compétences pour l’exercer et vérifier auprès de qui je suis tenu d’en rendre compte. Peut-être n’avions-nous jamais pris la mesure de ces exigences. L’occasion nous est offerte ces jours-ci et comme nous le constatons elle est ancrée dans la Parole de Dieu.

Dans les deux directions, la marge de manœuvre de chacun sera différente. Il convient de l’apprécier et de la dynamiser. Nous découvrirons alors un principe : le principe de « limite ». Il s’agit de se rendre compte que tout n’est pas possible. Ce principe est inscrit lui aussi dans l’Ecriture, dès les premières pages de la Bible dans les récits de la Création. Repère tout simple de la succession du temps : la création se déploie selon les jours. Et au terme un interdit est énoncé : du fruit de cet arbre tu ne mangeras pas (Gn 2,17). Quel est ce fruit ? C’est l’être humain. Pour les chrétiens, il appartient à Dieu seul. Il nous revient donc d’en prendre conscience pour nous engager au mieux dans les deux réponses de Jean Baptiste.

 

Lumières de la Tradition récente en Laudato si’

Le principe de limite se retrouve en trois expressions que j’emprunte à Elena Lasida qui les induisait de sa lecture de l’Encyclique Laudato si’. Je les utilise avec un contenu propre comme une grille qui nous permet d’accueillir ce que l’Esprit Saint peut vouloir nous dire aujourd’hui.

Tout est lié : Il y a dans cette expression reprise plus de dix fois dans l’Encyclique, une invitation à réaliser que nous vivons en interdépendance les uns avec les autres, mais aussi à l’égard de la nature sous toutes ses formes, physiques, végétales et animales. Combien ceci est d’actualité avec cette pandémie qui nous solidarise tous.

J’aime illustrer cela par un regard sur l’arc en ciel. Il est le résultat de la rencontre de l’eau et du soleil sans lesquelles aucune vie n’est possible. L’arc en ciel prend son envol d’une extrémité de la terre où vivent des hommes divers dans une biodiversité non moins grande, symbolisés par ses couleurs, et il se projette sur un autre territoire également inondé de sa lumière et des principes de vie qu’il porte avec lui. Or par où passe-t-il ? D’une manière non moins symbolique, il traverse le ciel de Dieu. Ce signe dans le ciel apparaît dans la Bible après la tempête du déluge. Il est le signe du salut offert pour ceux qui sortiront de l’arche, où ils étaient à l’abri. Personnes d’une même famille symbolisant l’unité du genre humain et animaux de toutes espèces manifestant la biodiversité. Il est le signe de la paix, là où la lumière et l’eau sont préservées pour engendrer la vie. Tout est lié : la pratique de notre foi chrétienne, la crise sanitaire et la crise économique.

La période de confinement que nous vivons a un impact positif sur l’environnement et le climat. Je ne dispose pas des instruments de mesure pour en apprécier l’ampleur. Je reçois seulement comme un trait d’humour fantastique de la part de la nature, le fait d’avoir pu admirer l’éveil des arbres, des fleurs, des oiseaux, le soleil, la pureté de l’air, la mise à jour d’initiatives fraternelles et même la renaissance d’une courtoisie oubliée depuis si longtemps dans notre pays. Certes, bien des disparités existent entre les habitats, les revenus, les situations familiales qui rendent bien difficiles la traversée de ce temps de confinement. Ceci met en lumière l’urgence qu’il y a pour les collectivités responsables et pour les personnes de porter le souci et d’ouvrir des voies de solution pour les plus vulnérables.

Cette interdépendance concerne aussi les activités humaines tout comme le travail silencieux des plantes dont nous commençons tout juste à imaginer le langage, et des animaux dont certains sont associés de près à nos existences quotidiennes. Nous sommes tous embarqués dans la même communauté de destin. Combien plus lorsqu’il s’agit de l’espèce humaine sous toutes les latitudes.

- Voilà ce qui est mis en lumière par cette pandémie, tout comme la coopération, si nécessaire, entre les nations pour sauver les habitants de notre arche unique. Tout travail et toute activité humaine n’est possible qu’en dépendance du travail et des activités d’une multitude dans une chaine infinie de processus qui nous solidarise les uns aux autres entre nations, entre peuples. Ce n’est pas une matière à option ; c’est un fait ! Dans la résolution de la crise actuelle l’Eglise par sa catholicité constitutive témoigne de cette évidence à côté de laquelle nous ne pouvons passer.

Tout est donné : il n’est pas très difficile de constater que nous n’avons pas inventé la terre, l’air, la mer, le soleil, la pluie… notre carte génétique… en un mot la vie ! Nous avons reçu tout ce qui fait l’essentiel des biens de la nature mais aussi de notre personne humaine. Il y a là une invitation à protéger ce que nous sommes incapables de créer. De ce fait nous ne pouvons prétendre mettre la main comme des propriétaires exclusifs sur ce que nous sommes : notre corps, notre intelligence, notre vie sociale, notre pays… bref, sur tout ce qui nous a été gratuitement offert. Il y a là une invitation à participer au bien des autres comme ils participent au nôtre. Ceci touche le concept de propriété en général toujours subordonné à la destination universelle des biens.

Voici comment la réalité d’un superflu ne correspond pas seulement à une accumulation de biens. Elle interroge la fabrication de certains objets (l’offre) qui ne se décide pas en raison du bien qu’ils sont susceptibles d’apporter à ceux qui se les procurent (selon une demande légitime), mais en fonction de la chance qu’ils ont d’être achetés par ceux qui en ont la capacité financière. Ce seul critère pour les mettre sur le marché ne les rend pas légitimes même s’ils créent des emplois. La publicité ciblée qui leur est faite a le plus souvent cet unique objectif. Il est impératif – au moins pour nous chrétiens – de vérifier si la finalité de chaque bien que nous voulons acquérir est au service d’un plus de vie, au service de l’environnement à protéger. Cette finalité doit être mise en regard de sa fécondité. Pour une communauté ou une personne, une fois assuré l’essentiel des biens nécessaires à son existence – et même si l’appréciation de cet essentiel peut varier, l’accumulation de biens n’a pas d’autre finalité que sa redistribution. C’est-à-dire la fécondation du patrimoine commun pour que d’autres vivent.

Certes la prudence est toujours de mise. Mais précisément, la prévision du partage s’avérera nécessaire – souvent à l’improviste- selon la situation des autres. D’où pour les chrétiens la référence constante à la parabole du lys des champs, comme un repère de la foi à l’instant « T » et non de manière absolue et irréfléchie. Une référence qui ouvre avant tout sur Dieu pour découvrir comment il est, sans doute le seul, à être entièrement détaché des biens qu’il nous donne.

L’intelligence et la volonté nous sont offertes pour innover et développer les biens nécessaires à la vie, au soin, au vivre ensemble. Il est essentiel de consacrer du temps pendant ce confinement- alors que les écoles et les universités sont pour une part suspendues, pour susciter chez les jeunes des vocations et des engagements vers des métiers qui développeront les biens de premières nécessités là où ils manquent – souvent dans les régions les plus pauvres du monde où l’on meurt plus encore de leurs carences que du Covid 19 : le manque d’eau, de nourriture, de médicaments, d’hygiène, d’énergies renouvelables, de protection de la biodiversité et des métiers afférant à ces domaines etc… S’il y a une course à engager de toute urgence, c’est en cette direction. Les exigences de telles orientations supposent une formation auprès des familles et des jeunes pour comprendre que l’Evangile tel qu’il nous est donné lui aussi, est inscrit dans une histoire. Il nous dévoile le sens de la vie humaine et nous évite d’adhérer à un style de vie qui évacue toute transcendance (Laudato Si’ n°119). Cette vérité est le don que l’Eglise peut faire au monde. Profitons de ce temps de confinement pour en renouveler l’annonce et les conséquences sociales. Ce chemin lui évitera d’être marginalisé comme une utopie. Il redira avec force que défendre l’honneur de Dieu c’est défendre les plus fragiles comme le Christ Jésus l’a montré. Alors nous participerons non pas aux idéologies du meilleur des mondes, mais à rapprocher les coeurs (Quadragesimo annon°148) et par là à pacifier les ressentiments, les rebellions, l’instabilité sociale qui se traduit par des violences.

Tout est fragile : Nous en faisons l’expérience très rude pour la santé et pour l’économie. Au coeur de cette blessure une résilience très positive dévoile le coeur de l’être humain ! En effet en quelques semaines, la question de la santé et de la survie d’un grand nombre d’entre nous, est devenue prioritaire. Elle a dominé toutes les autres. La personne humaine a été placée au centre de tout ; et la santé est inséparable de l’être humain. Or la centralité de la personne humaine s’était estompée, pour ne pas dire avait volée en éclat, au long des décennies passées. Ou bien elle s’est traduite par la revendication outrancière d’une liberté dont l’adage était : « c’est mon choix, donc c’est mon droit ». Toute une conception de l’existence évacuait le bien des personnes au profit des caprices de chacun et aux caprices du marché et de la concurrence. Cette conception nous a tous contaminés aussi fortement que ce virus. Elle a inventé une économie basée sur le profit financier, régie par des lois soi-disant intangibles de rentabilités auxquelles il était devenu impératif de se soumettre. Esclaves de ces exigences, l’être humain en avait perdu la connaissance de son identité, le sens de l’essentiel.

- Pour le retrouver, il ne s’agit pas de renier la croissance, ni les performances technologiques. Mais de les ajuster en se gardant de penser que la super-automatisation serait la bonne mesure du bonheur. Celle-ci fait trop peu de cas des personnes qu’elle prétend servir. L’invention de robots comme animal de compagnie pour personnes âgées ou isolées, illustre parmi d’autres, le mauvais usage de notre intelligence et de notre cœur. Nous savons depuis longtemps que la solitude est une des détresses les plus difficiles à vivre ; que les personnes soient célibataires, âgées, dépendantes ou autonomes, en prison ou malades… Aucune machine ne remplacera la présence d’une personne humaine auprès d’une autre. Combien ceci est remis en lumière par la situation de nos aînés en EHPAD dans ce long temps de solitude. Prenons la mesure de ce fait que le temps d’une personne âgée est plus court que celui d’un jeune dont l’avenir est ouvert.

Tout est fragile, c’est l’expression qui peut le plus nous dynamiser. La fragilité est source de créativité. Quand il y a manque, il y a recherche, invention, appels à d’autres pour une résolution commune des carences. Tout est fragile dans notre vie relationnelle. La crise que nous vivons met en lumière combien il est nécessaire d’harmoniser les initiatives personnelles et les collaborations. Elle dévoile que la modestie est la vertu des entrepreneurs qui prennent des risques avec d’autres et qui se défient de « la science qui enfle, car seul l’amour édifie » comme le souligne Paul (1 Cor 8,1) ... et l’amour est toujours interpersonnel !

Tout est fragile, nous savons qu’il est possible de rendre le monde irrespirable et inhabitable. L’urgence d’une transition écologique est une sagesse à laquelle nous ne pouvons renoncer sous prétexte de récession économique qui en interdirait l’accès. Au contraire sa mise en œuvre garantirait un développement par des métiers nouveaux et des innovations au profit de tous.

- Parce que tout est fragile bien des innovations vertueuses ont ouvert des voies qui ont permis de sortir l’économie réelle des ornières de la financiarisation. Une « économie solidaire », a montré, qu’il est possible de prendre en compte les besoins de chacun – à la manière des Actes des Apôtres (Ac 2,45). Ce repère pourrait définir avec plus de justesse le rapport entre la demande et l’offre- au bénéfice des moins rapides, des moins habiles, des plus patients qui misent sur le temps long et non sur l’immédiat. La solidarité mutuelle et la sauvegarde de la planète deviendraient alors le critère d’une offre correspondant aux besoins de chacun.

C’est en raison même des fragilités que l’inventivité au cœur de la crise que nous vivons pourrait conduire les entrepreneurs à développer ce qui correspondrait à ces besoins essentiels. Ce sont eux que l’Eglise doit rejoindre et accompagner. De nombreux témoignages nous parviennent d’imaginations et d’initiatives qui font face à la carence sociale et même industrielle : transformation d’usine pour fabriquer des respirateurs, subventions monétaires, moratoires de la dette en faveur des plus fragiles, entraides toute simple entre voisins, fabrication artisanale de masques, poursuite incessante des programmes de préservation de la planète etc.... La liberté et la résilience en ce temps de crise montrent le rapport intime qui existe entre la vie intérieure de chacun et la forme extérieure qui la traduit dans le souci des autres. Nous découvrons ici la plus profonde identité de l’être humain. Il revient à l’Eglise de la mettre en lumière.

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Dans ces trois expressions, il y a pour nous chrétiens une invitation à ne pas prêter l’oreille aux sirènes qui chantent l’impatience d’un retour au « tout comme avant ». Une marche forcée vers le statu quo antes est possible, mais elle touchera plus encore les personnes qui étaient déjà au bord du monde dans le jour d’avant. La prévisible récession économique en augmentera le nombre d’une manière plus considérable encore si les plus rapides, les plus forts, -des individus et des Etats-, se replient sur eux-mêmes.

Nous sommes au seuil d’une civilisation nouvelle. Il importe d’en éveiller une vive conscience. Nous ne pourrons le franchir sans nous engager dans un processus de renoncements et d’innovations. Ce processus est fondé sur la distinction entre le superflu et l’essentiel. Renoncer au superflu et innover pour sauver l’essentiel ne sera pas facile. En effet la mentalité qui s’est forgée en Occident depuis des décennies est celle de l’absence de limites. Elle résulte du progrès sans fin de la science et de ses applications technologiques. Tout apparaît comme envisageable… notamment dans les faux espoirs véhiculés par ce qu’il est convenu de ranger sous l’appellation « transhumanisme ». L’idée qu’il est possible d’acquérir dans un proche avenir, un pouvoir illimité, conduit à imaginer que désormais nous pourrions mettre la main sur le génome humain et le modifier pour fabriquer un être qui surpasserait ses limites actuelles. Le mauvais usage d’une « intelligence artificielle » renforce encore une telle prétention.

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En ce temps de confinement où de multiples renoncements apparaissent, nous vivons une dimension ascétique et pénitentielle. Nous en avions trop perdu le sens et l’usage dans l’expression de notre foi chrétienne. En ce sens ce temps pénitentiel revêt un caractère de grâce. Que ce soit par ces renoncements auxquels il nous contraint dans nos relations, dans notre liberté de circulation, dans la solitude lorsqu’elle est vécue au mieux pour préserver des temps de prière et de louange et de communication nouvelle… Ce temps peut devenir toute autre chose qu’un temps mortifère s’il nous permet au terme de choisir un autre style de vie. Il nous aura conduits à « nous rendre » … à Celui qui nous a donné d’être ce que nous sommes et que nous retrouvons peut-être davantage. Nous assistons à la renaissance de la vie de prière, dans les familles, dans les communautés religieuses et les presbytères. Un certain individualisme spirituel s’estompe et met en veille la pudeur habituelle pour une expression commune de la foi.

Pour que la parole de l’Eglise et des chrétiens soit audible au cœur de ce que nous vivons il est nécessaire que nous nous saisissions des quelques repères mis en lumière dans ces pages. Sont-ils opérationnels ? Il nous reste à le vérifier. Sont-ils susceptibles, dans cette présentation, de forger une autre manière d’envisager les relations entre l’offre et la demande et les relations entre nous et l’environnement ? Il reste à chacun des lecteurs de ces pages de l’améliorer.

Cette réflexion veut être aussi une proposition pour que chacun s’exerce à évaluer dans sa propre existence comment passer du superflu à l’essentiel, du renoncement nécessaire à l’innovation féconde, de la consommation à la création, du quantitatif au qualitatif, de l’indépendance à l’interdépendance.

Pour aider cette démarche, je propose un schéma qui épingle diverses composantes de notre existence, personnelle et sociale ; porte d’entrée pour une réflexion familiale, entre amis ou au sein de nos entreprises avec les collègues de travail.

 

Jacques Turck +

23 avril 2020

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