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Le pourquoi de Pâques

18 août 2017
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Jean RODHAIN, « Le pourquoi de Pâques », Panorama Chrétien, 13 février 1958.

Le pourquoi de Pâques

Pour le pèlerinage de Pâques qui monte vers Jérusalem il n'y a pas de meilleure route que celle partant de Jéricho. On quitte les rives du Jourdain pour découvrir peu à peu un véritable panorama biblique. Vers votre gauche la mer Morte serait radieuse, car le paysage est limpide, s'il n'y flottait toujours le souvenir de Sodome et Gomorrhe. A votre droite voici encore un camp de réfugiés : 25.000 Arabes y somnolent depuis huit années entières derrière des barbelés, gardés par d'autres arabes. Il est blotti au pied de ce mont de la Quarantaine, marqué par le jeûne du Seigneur. Et en face, voici les gorges encaissées et désertes où se situe la si vraisemblable parabole du voyageur dépouillé et du Samaritain secourable.

Après deux longues heures de cheminement dans ce couloir d'angoisse, un col, et d'un coup le regard bascule ébloui : comme un vieux lustre poudré d'or, Jérusalem scintille, immuable depuis des siècles.

On descend vers elle en revivant la ferveur des Croisés et des pèlerins de tous les temps. On s'étonne du Jardin des Oliviers transformé en correct square municipal par des religieux sans imagination. On franchit la porte Ste Anne, on suit les ruelles en escalier si évocatrices du Chemin de Croix, et en cette veille de Pâques le pèlerin n'a qu'un souci : arriver au Calvaire, parvenir au tombeau.

Pourquoi faut-il être ici d'abord déconcerté par tant de pâtisseries architecturales entassées sur ce lieu ? Alors que Bethléem est encore intact avec ses pauvres oliviers, son herbe rare et son paysage inchangé, ici les siècles ont voulu prouver leur dévotion en chargeant et surchargeant chaque mètre carré de pierres et d'étages. On passe d'un escalier à l'autre comme dans un grand magasin, et on vous explique qu'à cet étage c'est le sommet du Calvaire, tandis que cinquante marches plus bas cette autre chapelle est le lieu de la Sépulture. Il ne reste plus un centimètre visible du terrain. Tout est recouvert, masqué, défiguré. Je ne doute pas de l'authenticité topographique et horizontale de cet espace. Mais je défie quiconque sous ces ogives, ces voûtes, ces coupoles de reconstituer la Colline du Golgotha. De se représenter le panorama . "Ce que Jésus voyait du haut de la Croix", est aujourd'hui caché par des constructions humaines, fort mal entretenues d'ailleurs.

Heureusement chaque pèlerin est tellement imprégné d'Évangile qu'il revit ici les heures du Samedi Saint et médite sur la nuit pascale dans le lieu même où, ce soir, convergent les regards de toutes les confessions.

On souhaiterait qu'ici se réalise le même travail de dépouillement qui vient d’être réalisé à Lourdes. Rendue à sa nudité primitive, la Grotte de Massabielle est un exemple pour ceux qui auront le courage, à Jérusalem, d'arracher enfin tout ce qui nous cache le lieu de la Résurrection.

Ce parallèle avec Lourdes est-il d'ailleurs artificiel ? Est-ce diverger à propos de Pâques que de parler de l'Immaculée ?

Pâques, c'est le Seigneur ressuscité nous arrachant à la mort et au péché. Quelle mort ? et quel péché ? Toute la prédication de Saint Paul est obsédée par son souci de nous ramener à l'originel péché, à l'originelle blessure. Chaque verset du grand Apôtre nous reporte au Rédempteur nous délivrant de cet héritage implacable. Ni l'arithmétique, ni l'algèbre, ni les machines à calculer les plus rapides ne sauront jamais chiffrer ce châtiment en chaîne parti d'Adam et d'Ève et viciant l'un après l'autre les interminables cortèges de l'humanité. Je vous défie de méditer véritablement en face du péché originel et de ses conséquences sans avoir le vertige. Toute l'histoire de l'humanité est là, celle des guerres d'autrefois et celle du fait divers de ce matin et celle de nos péchés quotidiens : c'est vertigineux.

Parmi les cortèges ininterrompus des victimes de ce coup originel, il n'y a pas une seule exception dans le temps. Il n'y a pas non plus une seule exception dans les séries, ni pour une seule race ni pour une seule famille. Dans ce cheminement séculaire la contamination a été totale et l'exception se chiffre par I'unité : une créature et une seule, par un privilège unique, fut préservée. Une créature et une seule surgit intacte et lumineuse de cet océan de l'humanité submergée dans sa boue douloureuse. Une créature et une seule regarde le Créateur sans cet écran de cendres et regarde les créatures sans baigner dans leur condition de boue. Quelle clarté dans ce regard. Quelles perspectives intactes et infinies dans ces yeux immaculés. Elle seule mesure exactement notre état véritable. Quelle pitié chez Marie pour l'humanité. Quelle compassion. Quelle passion. Quelle association à la Rédemption. Quelle médiation ....

Dans la sombre histoire de l'humanité déchue dès son premier couple, voici qu'en ce printemps, la prochaine nuit pascale va s'échancrer d'une lueur de résurrection. Au murmure du "Lumen Christi" la pierre du sépulcre se lèvera pour figurer de quels poids criminel la Rédemption nous soulage en partie. "Felix Culpa" fait écho à "Mea Culpa" (à la condition de dire "Meas Culpa"). En cette année mariale, un cierge qui semble sortir d'une grotte lourdaise ajoute un halo de clarté nouvelle. A cette Ève qui fut notre mère fatidique, voici la réplique immaculée. Une créature, et une seule, échappa au sort du premier couple : Marie, seule, fut préservée, dans cette hérédité implacable, de la tache originelle. Quel relief ne prend pas sa silhouette immaculée sur cette sombre fresque qui a de «l’impossible» famille originelle jusqu'à l'actualité de nos tribunaux - y compris le tribunal de la pénitence ... "Mea Culpa- Ave Maria".

Voilà pourquoi depuis qu'à Lourdes, la presse mondiale prend pour actualité le nom même de l'Immaculée, par contraste, en cette année du Centenaire, l'actualité de ce qui n'est pas immaculé, grandit. On devine la faute originelle. On mesure la Rédemption. Lourdes et Jérusalem se font écho. A La petite lueur du Cierge de Massabielle on devine le pourquoi de Pâques. Alleluia.

Mgr Jean RODHAIN

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