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Mgr Rodhain déclare : le diaconat ne diminuerait pas les vocations sacerdotales, il les favoriserait

24 août 2017
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Jean RODHAIN, « Le diaconat ne diminuerait pas les vocations sacerdotales, il les favoriserait », La Croix,  interview recueillie par Noël Copin, 10 octobre 1963, p. 3.

Mgr Rodhain déclare :

le diaconat ne diminuerait pas les vocations sacerdotales, il les favoriserait

L’Église va-t-elle ressusciter la fonction de diacre telle qu’elle était conçue dans la primitive Église ? Ces diacres pourront-ils être mariés ?

Ce sont des questions qui sont actuellement abordées dans le cadre du schéma sur l'Eglise. Plusieurs Pères du Concile ont déjà fait des interventions sur ce sujet.

Nous nous sommes adressé à Mgr Rodhain, secrétaire général du Secours catholique et expert au Concile, pour lui demander ce qu'il pensait du diaconat. Depuis lontemps, en effet, il étudie personnellement ce problème.

- Pourriez - vous d'abord, Monseigneur, nous dire pourquoi ce problème redevient d'actualité, pourquoi il figure à l'ordre du jour du Concile ?

- Dans les quinze volumes de réponses des évêques du monde entier, c'est une des questions qui revient le plus souvent. Le public s'y intéresse vivement aussi. J'ai peut-être fait une cinquantaine de conférences sur le Concile, je n'y parle pas du diaconat, mais, chaque fois, les auditeurs me posent cependant toujours cette question.

Si l'on veut localiser, c'est surtout en Allemagne, en Afrique et en Amérique du Sud que l'on est préoccupé par le diaconat.

- Pourriez - vous, Monseigneur, nous résumer l'histoire du diaconat ?

- Le diaconat, c'est la première « spécialisation » dans l'Église primitive qui s'organise. Les apôtres étaient surchargés de travail, ils ont déclaré : « Ce n'est pas possible, nous ne pouvons pas continuer ainsi. Nous devons nous consacrer seulement à la prédication et confier les autres tâches - gestion de l'Église, distributions aux pauvres - à d'autres personnes. » Ils ont choisi ces personnes qui devinrent les premier diacres (Actes, 7, 7).

Jusqu'au IX° siècle, il y eut ainsi dans l'Église deux « spécialités » : le sacerdoce et le diaconat. Le diaconat n'était pas une marche d'escalier : un diacre ne devenait pas obligatoirement prêtre. (Dans l’armée, un intendant ne devient pas colonel d'artillerie.) Par contre, les diacres pouvaient accéder directement à l'épiscopat. Il y eut même, un certain moment, d’avantage d'évêques issus du diaconat que de la prêtrise.

Le Concile de Trente voulait, déjà restaurer le diaconat.

Aujourd'hui, cette spécialisation est oubliée : aujourd'hui, on n'imaginerait pas un saint Etienne ou un saint Laurent restant diacres.

Leur supérieur exigerait sûrement d'eux l'accession immédiate au sacerdoce.

Le Concile de Trente avait demandé que l'on redonne de la vitalité au diaconat. En fait, ses exhortations sont restées lettre morte.

- Pourquoi vous intéressez - vous personnellement au diaconat ? Est-ce en tant que responsable du Secours catholique ?

Ne croyez surtout pas que je pense par là recruter des cadres pour l'action charitable. Ce qui me préoccupe surtout, ce sont les vocations sacerdotales. Pour vous expliquer ma pensée sur ce sujet je vais avoir recours a un apologue :

Imaginez que dans une ville, on décide que dans toutes les cliniques, les fonctions seront télescopées. Il n'y aura plus des infirmiers et des chirurgiens, mais les infirmiers seront en même temps chirurgiens et les chirurgiens seront en même temps infirmiers. Que se passera-t-il ? Les infirmiers seront mal à leur aise pour trépaner, pour opérer de l'appendicite.

Le jeune homme qui avait du goût pour soigner autrui, qui se préparait à devenir infirmier, sachant qu'il devra pratiquer des opérations difficiles pour lesquelles il ne se sent pas fait, s'orientera vers un autre métier. De leur côté, les chirurgiens seront excédés d'avoir à la fois à opérer, à soigner, à anesthésier, à faire des pansements et, à donner des potions.

Or, c'est ce qu'on a fait dans l'Église depuis trois siècles. Résultat : un vicaire de paroisse est tiraillé entre travail de prêtre : direction de conscience, son aumônerie d'Action catholique, etc… et des tâches diaconales : catéchisme; colonie de vacances, patronage, radio, télévision, œuvres diverses... tâches excellentes, mais pour lesquelles il n'y a pas besoin de faire six années de théologie. Le prêtre actuel est ainsi écartelé. Il y a une distorsion dans son travail.

Pendant ce temps, il y a des vocations au diaconat qui n'aboutissent pas : ces jeunes gens ne se sentent pas capables de prêcher la Parole de Dieu et de confesser. Résultat actuel : plutôt que de rejeter les séminaristes dans la vie laïque, on les dirigera cependant vers le sacerdoce alors qu'ils auraient fait d'excellents diacres. Je vous rappelle la parole de Mgr Gibier : « Je manque de prêtres, et j'en ai 300 de trop. »

Il y a en effet de jeunes prêtres qui connaissent l'angoisse de l'infirmier promu sur le champ chirurgien et qui sont « mal à leur aise » au confessionnal ou en chaire.

Bien loin de diminuer les vocations sacerdotales, un diaconat aux fonctions précises, permettant aux prêtres de se consacrer exclusivement à la prédication, à la direction de conscience, à l’aumônerie des mouvements d'Action catholique, favoriserait, au contraire, ces vocations.

 Il est probable que les Conférences épiscopales nationales demanderaient au Souverain Pontife, suivant la situation de leur propre pays, de faire des expériences limitées dans le temps.

- Ne craignez-vous pas que l'on introduise une sorte de notion de « classes » dans l'Église ?

- Il ne s'agit pas ide classes, mais de spécialités. Dans un journal, vous avez bien des rédacteurs, des linotypistes, des rotativistes. Ce ne sont pas des classes, ce sont des spécialisations. Si l’Église veut être à l'échelle humaine, il faut qu'elle se spécialise d'après ces échelons.

Dans l'Église, chaque fois que l’on a donné une responsabilité, on donnait en même temps une fonction : lecteur, portier, etc. Dans les Missions, il y a tout un corps de spécialistes qui sont à la base de l'évangélisation. Ce sont les « catéchistes ». Beaucoup d'entre eux ont été des martyrs. Or, il y a maintenant une crise de recrutement. Les catéchistes n'ont, en effet, aucune fonction dans l'Église, aucune place officielle. Pourquoi ne pas faire d'eux des diacres ?

- Comment se situeraient les diacres par rapport aux laïcs responsables de l'Action catholique ?

- Les diacres ne seraient pas des laïcs. Il ne s'agit pas d'écrémer le laïcat, ni de prendre des militants d'Action catholique pour en faire des diacres. Les diacres ne sont pas des laïcs, ils sont dans la hiérarchie ecclésiale.

Le diaconat serait un gain pour l'Action catholique qui se plaint de ne pas avoir d'aumôniers. Quand il y aura des diacres dans nos paroisses, les prêtres auront davantage de temps à consacrer à leur rôle d'aumôniers.

- Permettez-moi de vous poser une question qui semble intéresser l'opinion publique : les diacres Pourront-ils être mariés ?

- Dans l'Église d'Orient, la règle est : pas de mariage de diacres. On peut ordonner diacre un homme marié, mais un diacre ordonné alors qu'il était célibataire doit renoncer au mariage. On peut appeler au diaconat des hommes mariés jeunes, mais, pour être ordonné diacre, un célibataire doit attendre l'âge de 30 ans, de manière à éprouver sa vocation au célibat.

C'est une solution de ce genre qui pourrait être retenue : il faut éviter, en effet, que le diaconat puisse être une porte ouverte pour les candidats à la prêtrise dont la vocation au célibat n'est pas solide.

Les difficultés soulevées par le diaconat sont considérables.

1. Il faudrait des séminaires spécialisés.

2. Les diacres mariés devraient avoir un traitement leur permettant de faire vivre une famille. Cela suppose qu'ils auraient des emplois dans la vie civile. Le diacre travaillerait huit heures en usine ou dans une administration.

On retrouve ainsi le problème des prêtres ouvriers : la présence de l'Église dans le monde du travail. Mais ce serait un autre mode de présence.

Le diaconat, vous le voyez, touche à tous les aspects du sacerdoce. C'est pourquoi il ne figure pas dans les discussions conciliaires parmi les sacrements, mais dans le schéma sur l’Église.

- Si le Concile se prononçait pour le retour. au diaconat, ce retour s'effectuerait-il partout ou seulement dans certains pays ?

- Replaçant le problème du laïcat dans la préoccupation très actuelle de « l'Église des pauvres », Mgr Rodhain nous cite ce très beau texte écrit au siècle dernier : « A l'instar de L'Église qui voyait dans le pauvre la personne même de l'Homme-Dieu, les diacres se rendaient dans les lieux de misère, non comme de simples hommes, mais comme les messagers de Dieu, les envoyés du Christ, comme les serviteurs de l'Église dont le travail commençait dans le sanctuaire pour continuer dans le foyer des pauvres. Le service du pauvre et le service dans l'Église étaient par là élevés au rang de l'office divin et restaient inséparables de lui. » (J. N. Seid.)

Enfin, Mgr Rodhain insiste sur l'aspect « sacral » de ce problème :

- Ce n'est pas une usine qui vérifie ses méthodes. C'est l'Église responsable de l'Eucharistie et de la communauté du Pain partagé qui précise une fonction.

Il n’y a qu'à lire tout l'admirable texte du Pontifical pour l'ordination des diacres, il n'est pas question de les préparer au sacerdoce, il est question de leur conférer une grâce et une mission pour une fonction précise.

Voici dix responsables laïcs. Ils travaillent avec mérite au service des pauvres. Si, demain, ils deviennent dix diacres, il y aura une grâce nouvelle dans leur travail (sinon, vous n'avez pas la foi). Leur travail, lié à l'Église, aura un rayonnement d'Église.

Leur travail sera un polarisateur de vocations, donc les jeunes regarderont (aussi) vers le diaconat.

Tout le problème est là.

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