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Préface

25 août 2017
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Jean RODHAIN, « Préface », in Henry PANNEEL, Le Saint à la croix rouge. Saint Camille de Lellis. Mulhouse, Salvator, 1964, p. 5-8.

Préface

Plus je fréquente la jeunesse actuelle, plus je suis émerveillé par la présence de jeunes débordant de générosité, cherchant à se donner, interrogeant sur les besoins des pays malheureux, disponibles pour des vocations au service d'autrui.

Et en face de ces trésors nouveaux, car il y a vingt ans, on ne percevait pas une telle disponibilité, nous manquons de chefs de file.

Voici donc un livre d'actualité et je voudrais préciser pourquoi il est spécialement d'actualité.

J'ouvre un dictionnaire[1] et je cherche ce qui est retenu de remarquable dans les quatre lignes consacrées à ce personnage :

CAMILLE de LELLIS

En plus de ses dates de naissance et de mort, on cite comme remarquable la présence de son nom dans les « litanies des agonisants ».

Ceci non seulement est remarquable mais nous concerne tous. Dans le rituel, il y a des sacrements qui ne nous concernent pas, il y a des bénédictions qui ne sont utilisées que dans des cas rarissimes. Mais, agonisants nous le serons tous sans exception. Et je vous pose une question : Si l’Église devait rajeunir la liste des personnages invoqués, à cette heure de votre agonie, à qui penseriez-vous ? Quel prix Nobel invoqueriez-vous ? A quel académicien auriez-vous recours ? Vers quelle vedette citée dans la presse bien pensante vous tourneriez-vous à votre dernière heure ?

A part ce bon pape Jean XXIII dont la vie et l'agonie feront peut-être un jour un bienheureux intercesseur, je ne vois pas, je ne découvre pas un seul personnage moderne que j'aie envie d'invoquer « à l'heure de ma mort » et dont j'imagine l'adjonction dans les « litanies des agonisants ».

Le dernier placé dans la série est ce CAMILLE de LELLIS. Et depuis, un grand vide...

Un vide inquiétant. Car, pourquoi n'y a-t-il pas d'autre nom après lui ? Je viens de lire et de relire les plus récentes Histoires de l'Église publiées par de remarquables historiens. Pour le dernier siècle, on nous présente des chapitres très documentés sur les activités de l'Église. On y parle de l'Église et de la liturgie, de l'Église et de la politique, de l'Église et des missions. Tout y est. Sauf la Charité.

A lire ces curieux historiens, il semblerait qu'un tremblement de terre, il y a cent ans, aurait enseveli tous les hôpitaux et mis à mort définitivement les Religieuses hospitalières, les Sœurs garde-malades, les Confrères de St Vincent-de-Paul, les Visiteurs de prisons et tous les responsables de l'action charitable.

Sur les Pauvres et le service direct des Pauvres, c'est le silence total dans ces ouvrages bardés de références et assaisonnés de statistiques.

Est-ce un oubli ?

Est-ce un aveuglement ?

Est-ce plutôt l'illusion de l'écrivain « dans le sens de l'Histoire » qui rêve d'un an 2000 où le bonheur serait techniquement assuré et l'imprévu tellement codifié qu'il n'y aura plus besoin des formes passées des œuvres dites de miséricorde ?

En attendant, il y a une certitude : c'est que, même prolongé de six mois par une pénicilline quelconque, chacun se cogne à la mort. Cela fait, sans une seule exception, cent millions d'agonisants par an. Et pendant l'agonie, depuis CAMILLE de LELLIS, pas une silhouette moderne. Je voudrais qu'on m'explique cette absence dans l'actualité…

Et même avec pénicilline, il reste des infirmes. Et à cause de l'automobile et de la route, voici les infirmes bien plus nombreux aujourd'hui qu'au Moyen-Age.

J'ouvre le journal du matin. A la première page, le tableau des accidents de la veille et le total des accidentés entrés à l'hôpital et des estropiés rentrés chez eux invalides pour toujours. Et à la dernière page, déclaration du Ministre qui explique la pénurie des infirmières et la grave crise de recrutement dans le personnel hospitalier.

Chaque Maison-Mère ferme, l’une après l'autre, ici un hospice, là un poste de garde-malades. On ne trouve plus, dit-on, de postulantes pour ces Ordres hospitaliers.

Il y a cinquante ans, on aurait accusé les Francs-Maçons, ou les lois scélérates contre les Congrégations. C'est fini, il n'y a pas de persécuteurs à accuser pour l'instant.

Alors je voudrais qu'on m'explique pourquoi, tandis qu'une admirable jeunesse cherche sa vocation, pourquoi, alors qu'il n'y a aucune persécution, un voile d'oubli, un brouillard de nuit est doucement descendu sur les humbles services à rendre à autrui

Voilà pourquoi CAMILLE de LELLIS, patron des activités au service des souffrants, est d'actualité.

Voilà pourquoi, à l'heure où le Concile Vatican II fait entendre la voix de l’Église des Pauvres, ce livre d'un personnage tout donné aux pauvres dans l’Église vient à son heure.

Un seul regret : Après le dernier chapitre, on aurait aimé trouver quelques pages consacrées, non plus au fondateur mais à sa fondation, mais à son œuvre, mais à ces admirables religieux Camilliens qui le continuent.

Un excès de discrétion nous en a privés. Que le lecteur, en place du chapitre XVI, aille visiter une des réalisations actuelles des fils de St CAMILLE de LELLIS...

Ce sera la meilleure manière de comprendre combien ce personnage est d'actualité.

Jean RODHAIN

Secrétaire Général du Secours Catholique

 

[1] Grand Larousse Encyclopédique. Tome II p.545

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