Opération extra-ordinaire
Jean RODHAIN, « Opération extraordinaire », Messages du Secours Catholique, n° 194, février 1969, p. 5.
Opération extra-ordinaire
A Copenhague les 29 et 30 janvier s’est tenue une réunion extraordinaire. Près de 50 spécialistes représentant 27 organismes internationaux ont étudié et mis au point le mécanisme de l’aide aux victimes de la guerre Nigeria-Biafra.
J’ose appeler cette réunion extra-ordinaire pour deux raisons :
Primo : en raison de l’énormité de l’opération.
Après avoir essuyé les refus de toutes les Compagnies d’aviation mondiales, car aucune ne pouvait prendre le risque d’un seul vol vers le Biafra, il a fallu trouver les appareils, les pilotes et les mécaniciens. Il a fallu improviser l’entretien des avions, les réparations, la technique des vols de nuit sans radar, sans aérodrome normalement équipé, sans aucune liaison possible avec le réseau des compagnies dont les journaux publient une publicité réconfortante...
Interrogez n'importe quel pilote de ligne, il vous expliquera que dans ces conditions c’est tenter un vol « risqué ». Nous avons exécuté actuellement 1.340 de ces vols... Qui, nous ? C’est Caritas Internationalis qui a commencé ces vols en mars de l’an dernier. Et en juillet ce sont les églises luthériennes de Suède et de Norvège, la Diakonische Werk allemande qui ont donné à ce pont aérien une ampleur décuplée. Actuellement 27 organismes confessionnels sont réunis sous le sigle J.C.A. (Joint Church Aid) pour gérer cette extraordinaire opération.
Qu’un tel « pont aérien » ait pu être créé et maintenu par les organismes privés dont la plupart n'avaient jamais auparavant entrepris d’opération internationale, cela est extraordinaire.
On ne rendra jamais assez hommage aux équipes ignorées du public qui ont osé, qui ont risqué, et qui continuent une telle opération. On a dit que « techniquement », c’est une véritable folie. Or nous continuons car ils savent que la vie de milliers d’enfants tient à cette « folie ».
Secundo : Mais il y a un autre aspect extraordinaire dans cette opération, et ici nous sommes loin de toute technique.
Les pays représentés à Copenhague - depuis la Finlande jusqu'au Canada - ont témoigné que les énormes ressources trouvées provenaient d’un raz de marée populaire. Et dans ce référendum involontaire, ce sont les jeunes qui sont en tête.
Ces vols, cette opération, cette réunion ne se réaliseraient pas s’il n’y avait pas auparavant cette fermentation en faveur d’un secours. Cette fermentation n’a pas été déclenchée par des théologiens. Elle n’a pas été ordonnancée par une hiérarchie ecclésiastique. Elle se retrouve en même temps chez les luthériens et les catholiques, chez les anglicans et les protestants.
N’y a-t-il pas là une action du Saint-Esprit ? Cette opération serait-elle apparentée à un charisme ? Cette fièvre généreuse pour le Biafra comportera t-elle des leçons à tirer pour l’œcuménisme de la charité. Voilà des aspects singuliers d’une opération qui, jusqu’ici n’a pas de précédent dans l’heure des Églises.
Opération extra-ordinaire...
J. R.