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Charité, nouvelle éthique et anthropologie chrétienne

22 janvier 2013
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Discours de Benoît XVI à l’assemblée plénière du conseil pontifical Cor unum qui travaillait la question : "Charité, nouvelle éthique et anthropologie chrétienne".

Discours de Benoît XVI à l’assemblée plénière du Conseil pontifical Cor unum, le 19 janvier 2013

Chers amis,

C’est avec affection et avec joie que je vous accueille, à l’occasion de l’Assemblée plénière du Conseil pontifical Cor Unum. Je remercie le président, le cardinal Robert Sarah, pour ses paroles et j’adresse un salut cordial à chacun de vous, en l’étendant à tous ceux qui oeuvrent au service de la charité de l’Eglise. Avec le récent Motu proprio Intima Ecclesiae natura j’ai voulu confirmer le sens ecclésial de votre activité. Votre témoignage peut ouvrir la porte de la foi à tant de personnes qui cherchent l’amour du Christ. Ainsi, en cette Année de la foi, le thème « Charité, nouvelle éthique et anthropologie chrétienne », que vous abordez, réfléchit sur le lien étroit entre amour et vérité, ou, si vous préférez, entre foi et charité. Tout l’ethos chrétien reçoit en effet son sens de la foi comme "rencontre" avec l’amour du Christ, qui offre un nouvel horizon et communique à la vie sa direction décisive (cf. Enc. Deus caritas est, 1). L’amour chrétien trouve fondement et forme dans la foi. En rencontrant Dieu et en expérimentant son amour, nous apprenons « à ne plus vivre pour nous-mêmes, mais pour Lui, et avec Lui pour les autres » (ibid., 33).

A partir de ce rapport dynamique entre foi et charité, je voudrais réfléchir sur un point, que j’appellerai la dimension prophétique que la foi instille dans la charité. L’adhésion croyante à l’Évangile modèle en effet la charité selon sa forme typiquement chrétienne et en constitue le principe de discernement. Le chrétien, en particulier celui qui œuvre dans les organismes de charité, doit se laisser orienter par les principes de la foi, par laquelle nous adhérons au « point de vue de Dieu », à son projet sur nous (cf. Enc. Caritas in veritate, 1). Ce nouveau regard sur le monde et sur l’homme offert par la foi fournit aussi le juste critère d’évaluation des expressions de charité, dans le contexte actuel.

A chaque époque, l’homme qui s’est éloigné de ce projet a été victime de tentations culturelles qui ont fini par le rendre esclave. Ces derniers siècles, les idéologies qui célébraient le culte de la nation, de la race, de la classe sociale se sont révélées de véritables idolâtries ; et l’on peut en dire autant du capitalisme sauvage avec son culte du profit, duquel ont découlé des crises, inégalités et misères. Aujourd’hui on partage toujours plus un sentiment commun sur la dignité inaliénable de tout être humain et sur la responsabilité réciproque et interdépendante envers lui ; et ceci à l’avantage de la vraie civilisation, la civilisation de l’amour. D’un autre côté, malheureusement, notre temps aussi connaît des ombres qui obscurcissent le projet de Dieu. Je me réfère surtout à une réduction anthropologique tragique qui repropose l’antique matérialisme hédoniste, auquel s’ajoute un "prométhéisme technologique". De l’union entre une vision matérialiste de l’homme et le grand développement de la technologie émerge une anthropologie fondamentalement athée. Elle présuppose que l’homme se réduit à des fonctions autonomes, l’esprit à la cervelle, l’histoire humaine à un destin d’autoréalisation. Tout ceci en faisant abstraction de Dieu, de la dimension proprement spirituelle et de l’horizon d’un autre monde. Dans la perspective d’un homme privé de son âme et donc d’une relation personnelle avec le Créateur, ce qui est techniquement possible devient moralement permis, toute expérience se révèle acceptable, toute politique démographique permise, toute manipulation légitimée. Le piège le plus redoutable de ce courant de pensée est de fait l’absolutisation de l’homme : l’homme veut être ab-solutus, dégagé de tout lien et de toute constitution naturelle. Il prétend être indépendant et pense que son bonheur réside dans la seule affirmation de soi. « L’homme conteste sa propre nature… L’être humain désormais existe seulement dans l’abstrait, qui ensuite, de façon autonome, choisit pour soi quelque chose comme sa nature » (Discours à a Curie romaine, 21 décembre 2012). Il s’agit d’une négation radicale du fait que l’homme est créature et fils, et cela finit dans une solitude dramatique.

La foi et le sain discernement chrétien nous poussent à prêter une attention prophétique à cette problématique éthique et à la mentalité qui lui est sous-jacente. La juste collaboration avec les instances internationales dans le domaine du développement et de la promotion humaine ne doivent pas nous faire fermer les yeux face à ces graves idéologies, et les Pasteurs de l’Église – qui est « colonne et soutien de la vérité » (2 Tm 3,15) – ont le devoir de mettre en garde contre ces dérives, tant les fidèles catholiques que toute personne de bonne volonté et de raison droite. Il s’agit en effet d’une dérive négative pour l’homme, même si on la déguise de bons sentiments à l’emblème d’un présumé progrès, ou de présumés droits, ou d’un présumé humanisme. Face à cette réduction anthropologique, ce devoir revient à chaque chrétien, et en particulier à vous, engagés dans les activités caritatives et donc en rapport direct avec tant d’autres acteurs sociaux. Évidemment, nous devons exercer une vigilance critique et, parfois, refuser des financements et des collaborations qui, directement ou indirectement, favorisent des actions ou des projets en contraste avec l’anthropologie chrétienne. Mais positivement, l’Église est toujours engagée à promouvoir l’homme selon le dessein de Dieu, dans sa dignité intégrale, dans le respect de sa double dimension verticale et horizontale. L’action de développement des organismes ecclésiaux tend aussi à cela. La vision chrétienne de l’homme est en effet un grand oui à la dignité de la personne appelée à la communion intime avec Dieu, une communion filiale, humble et confiante. L’être humain n’est pas ni individu indépendant ni élément anonyme dans la collectivité, mais plutôt personne singulière et unique, intrinsèquement ordonnée à la relation et à la socialité. C’est pourquoi l’Église redit son grand oui à la dignité et à la beauté du mariage comme expression d’alliance fidèle et féconde entre homme et femme, et son non aux philosophies comme celle du gender se motive par le fait que la réciprocité entre masculin et féminin est expression de la beauté de la nature voulue par le Créateur.

Chers amis, je vous remercie pour votre engagement en faveur de l’homme, dans la fidélité à sa vraie dignité. Face à ces défis contemporains, nous savons que la réponse est la rencontre avec le Christ. En Lui l’homme peut réaliser pleinement son bien personnel et le bien commun. Je vous encourage à poursuivre avec un esprit joyeux et généreux, et je vous donne de tout cœur ma Bénédiction Apostolique.

© Libreria Editrice Vaticana

Traduction de Zenit, Anne Kurian

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